L’Icône de l’Anastasis

(Descente aux Enfers / Radieux Relèvement)

Christ est ressuscité…
Il est vraiment ressuscité !

(Salutation orthodoxe au temps pascal)

La théologie de l’icône est fondée sur le mystère de l’Incarnation de Dieu dans la chair – le mot ‘Incarnation’ veut dire littéralement ‘ce qui se fait dans la chair’. En s’incarnant, le Verbe divin fait sienne et assume la condition humaine toute entière, tant générique (l’humanité en son sens large et global) que personnelle (il est un homme particulier et caractérisé, Jésus de Nazareth).

Les icônes montrent en image ce Salut dont les Évangiles nous disent qu’il se réalise dans la personne du Christ-Jésus. Par sa mort-résurrection, nous retrouvons, surchargée de grâces, notre vocation première d’image de Dieu et capable de ressemblance avec Lui (cf Gn 1, 26).

Ce mystère insondable est résumé par une formule audacieuse des saints Athanase d’Alexandrie (IVe siècle) et Irenée de Lyon (IIe siècle) :

« Dieu s’est fait Homme, pour que l’Homme devienne Dieu. »

Saint Cyrille d’Alexandrie (±315-386) explicitera plus tard cette étonnante affirmation par un énoncé tout aussi paradoxal :

« Il fallait qu’Il (le Verbe incarné) possède ce qui est à nous (notre humanité) pour que nous possédions ce qui est à Lui » (sa divinité).

Les Orthodoxes appellent ce mystère la Théosis, la divinisation (ou déification) par grâce et participation, soit une union à Dieu véritable, sans confusion ni opposition. Cela signifie que nous pouvons désormais entrer tout entier – corps, âme et esprit – dans la maison de Dieu, habiter en Lui et le laisser habiter en nous, en plénitude et en totalité, bien que dans respect des différences essentielles entre Lui et nous.

La beauté et la grandeur de la Périchorèse trinitaire et christologique1 deviennent ainsi nôtres par la foi. En la personne indivise du Christ ressuscité s’ouvre désormais un univers infini de possibilités dans l’Esprit.

En Orthodoxie, il n’y a pas d’icône montrant la Résurrection du Christ car cet événement n’est pas raconté directement dans les Évangiles. On parlera plutôt d’icônes du temps pascal. L’icône de la Descente aux Enfers fait partie de ce groupe. Selon la catéchèse impliquée, elle s’appellera tantôt Anastasis (de ana-, haut, et statis, position, d’où l’appellation de Radieux relèvement), tantôt Descente aux Enfers. Une très dense théologie s’exprime par ces appellations en apparence contradictoires.

L’image présentée en début de texte, une fresque du XIVe siècle1, illustre avec force le double mouvement de la descente (kénose2) de Jésus aux Enfers en même temps que la remontée de l’humanité vers Dieu. Adam et Êve, ensemble et séparément, symbolisent cette humanité (cf Gn 1 et 2) en attente de réconciliation. Ils sont arrachés de leur tombeau par la puissance du Ressuscité qui accomplit ainsi sa promesse :

« Je leur donne la Vie éternelle, elles ne périront pas et nul ne les arrachera de ma main. » (Jn 10, 28).

Joyeuses Pâques 2009 !

  1. Anastasis (Descente aux Enfers / Radieux Relèvement), mosaïque, 1312-1320, église du Sauveur-in-Chora (hors- les-murs, Kariyé Djami, Constantinople. ↩︎
  2. Le thème théologique de la kénose (du grec kenos, vide, kénosis, anéantissement) remonte à saint Paul dans Ph 2, 7 : « Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix. » L’idée de kénose exprime l’Incarnation entière, à partir de la conception du Verbe en Marie jusqu’à la mort de Jésus sur la Croix et sa Descente aux Enfers. Pour signifier l’ensemble du plan (économie) du Salut, Serge Boulgagov parlera de kénose-apothéose. C’est ce mouvement global et paradoxal qui est signifié par l’icône présentée ici. ↩︎

Laisser un commentaire