Note préliminaire
Ce document a pour objectif principal de donner quelques indications sur la manière de peindre les bouches sur les icônes en attirant l’attention sur quelques erreurs techniques courantes. Il s’agit d’un sommaire, rédigé dans le contexte d’un échange avec une amie iconographe. Il ne prétend aucunement à l’exhaustivité, mais vise simplement à poser quelques balises pour éviter les pièges les plus évidents. Il se termine par une réflexion sur le sens théologique du rouge sur les carnations (peau) dans les icônes.
Contenu
- Progression dans l’écriture (dessin et peinture) de la bouche avec l’exemple d’une icône de la Mère de Dieu de Korsun (p. 2-4)
- Les deux erreurs les plus courantes, que ce soit de face ou de trois quart face : 1) bouche trop longue et mal enlignée 2) menton trop fort et mal enligné (p. 5)
- Autre erreur importante : la courbe de la bouche (p. 6)
- Quelques exemples de bon traitement iconographique de la bouche souriante (p. 7-8)
- Mise au point théologique sur le rouge sur les carnations (p. 9-12)
Remarque
Dans les propos qui suivent, je prends pour acquis que le langage et les techniques de base de l’iconographie sont familiers au lecteur et à la lectrice. Précisons néanmoins que le mot ‘sankir’ désigne la couche de fond des carnations (visages, mains, corps). C’est une couleur terreuse assez froide et dont le mélange est habituellement fait avec des pigments de terre (ocre jaune, terre verte, ocre rouge ou substitut). Le sankir des icônes symbolise notre matérialité, la condition humaine créée bonne, mais affaiblie (obscurcie, voilée) par notre complicité au péché originel. Cette condition bonne des origines (notion d’image de Dieu / Imago Dei) n’est toutefois pas perdue car quand Dieu donne, il ne reprend pas ses dons.
C’est le processus de retrouvailles profondes avec le Souffle (Esprit) de Dieu que symbolisent ‘les clarifications progressives’, dites aussi ‘lumières’, une remontée qui déborde toutefois infiniment la première création car elle amène le sujet humain à parfaire sa ressemblance avec Dieu, dans le Christ. La théologie orthodoxe appelle ‘théosis’ cet accomplissement, la déification de l’Homme par grâce et participation à la vie divine et à ses propriétés. C’est ainsi que l’icône témoigne de l’espérance fondamentale du christianisme : l’union parfaite à Dieu, un mariage d’amour qui n’affaiblit pas la divinité ni n’absorbe l’humanité. Ni fusion, ni confusion, mais union préservant les altérités. Je reviens sur ces questions au point 5.
1. Progression du dessin et de la peinture de la bouche.
La bouche : progression 1 (ex. Mère de Dieu de Korsun)
Cette image montre l’étape des éclaircissements du visage dit « Deuxième éclaircissement », soit les couches d’ocre jaune qui recouvrent graduellement l’orange vif du premier éclaircissement. L’exemple provient d’une de mes icônes de la Mère de Dieu de Korsun écrite en 2013.
1. Les quatre lignes de repères…
- celle au-dessus de la lèvre supérieure ;
- celle qui sépare les lèvres supérieure et inférieure et correspond au creux entre les deux ; de légers crochets marquent la fossette au bout de cette ligne, mais jamais par le haut seulement ; le crochet doit suivre la forme de l’ombre de la fossette et de la pommette (flèche rose pour un exemple).
- celle qui délimite le bas de la lèvre inférieure ;
- et enfin celle qui marque le menton (N.B. Ici, cette ligne est trop longue vers la gauche sur le visage de la Mère).
Ces quatre lignes de repérage peuvent être plus ou moins prononcées, mais elles doivent toujours être présentes ne serait-ce que mentalement pour servir de repères. Elles aident beaucoup à ne pas perdre le dessin en cours de peinture, surtout pour les visages très petits et/ou ‘ramassés’, comme celui de l’Emmanuel (enfant). Si on les perd à l’étape de la peinture, les retracer légèrement (éviter les épaisseurs) avec la terre de Sienne brûlée.
2. La lèvre supérieure reste ‘sankir’
On voit que la lèvre supérieure reste sans éclaircissement, laissant toujours apparaître le sankir (flèche jaune) jusqu’à la toute fin du processus avec la pose du rouge sur laquelle je reviendrai. La ligne séparant les lèvres marque l’expression par le petit crochet estompé à la commissure des lèvres. Elle ne suffit toutefois pas à créer l’expression.
3. La courbe du visage – vignette ci-contre
Sur la vignette du bas, la ligne bleue suit la courbe du visage à partir du début du nez vers le menton ; elle marque le centre de la bouche et du menton. Les lignes rouges montrent que les commissures des lèvres s’enlignent sur le coin des yeux.
La bouche : progression 2 (suite)
Cette image de la même icône que ci-dessus montre l’étape dite « troisième éclaircissement » fait avec l’ocre jaune et le blanc ajouté progressivement.
Observation 1.
Comme pour la première image, on voit bien que la lèvre supérieure est ‘réservée’, c’est-à-dire qu’elle ne reçoit pas d’éclaircissement et que le sankir y est préservé jusqu’à la fin. Pour la lèvre inférieure, par contre, on procède comme pour le reste du visage, incluant le menton, c’est-à-dire qu’on ‘éclaire’ en ajoutant du blanc à l’ocre de base.
La qualité de l’image le montre mal, mais la lumière est graduellement concentrée vers le haut de la lèvre inférieure, soit vers la ligne brune qui sépare les deux lèvres (flèche orange), mais sans toucher cette ligne.
Observation 2.
Les éclaircissements autour de la bouche permettent de dessiner la lèvre supérieure par la forme de la ‘réserve’ de sankir (ex. flèche verte). Je me répète, mais il est crucial que, sauf avec le rouge à la fin, la lèvre supérieure ne soit jamais touchée par les éclaircissements, mais contournée par ceux-ci car ce sont principalement eux qui créent l’expression. Dans le cas des sourires, les crochets des commissures (flèches jaunes), plus ou moins estompés, accentuent le sourire, mais ne le créent pas à eux seuls comme on l’a dit plus haut. Essayer de créer l’expression avec la ligne seule amène un sourire de type ‘Joker dans Batman’ ou encore, comme dans l’image du bas (une icône prise sur un site commercial), donne un effet sentimental ostentatoire, peu compatible avec la sobriété (propos théologique) propre à l’icône traditionnelle.
C’est également par le positionnement de l’éclaircissement sous la lèvre supérieure (flèche bleue), s’alignant sur la ligne brune séparatrice, que l’expression (sérieuse, triste, tendre, souriante…) de la bouche est donnée.
N.B. La section entre la lèvre inférieure et le menton, est lui aussi ‘réservée’ au sankir (foncé, car c’est un creux) (cf. flèche rose).
2. Les deux erreurs les plus courantes, que ce soit de face ou de trois quart face :
1) bouche trop longue et mal enlignée
2) menton trop fort et mal enligné
Cet exemple (une de mes icônes écrite en 2005) illustre diverses erreurs sur la bouche et le menton, la principale, qui détermine souvent toutes les autres, étant la longueur de la bouche elle-même (cf. la ligne bleue ci-dessus qui montre un alignement incorrect par rapport à l’œil). La ligne blanche (lumière sous la lèvre inférieure) est aussi trop dure, manquant d’estompage et également trop collée sur la ligne brune, elle-même manquant d’ailleurs aussi d’estompage aux commissures. Le sourire est ainsi forcé. Le menton est trop gros car trop avancé vers la (notre) gauche. La lumière est également positionnée trop haut sur le menton et, du fait qu’elle suit la courbe erronée (trop à notre gauche) du menton elle donne une impression boudeuse et renfrognée.
Ci-dessous (images 3 et 4), j’ai fait un essai de ‘réparation’ de l’image originale no 1 en utilisant le logiciel Photoshop : j’ai raccourci la bouche, remodelé la ligne brune par estompage, adouci les éclaircissements blancs sous la bouche, repositionné les lumières sur le menton, etc. Sans être définitif et peaufiné, le résultat est meilleur. Notez que le ‘rouge à lèvres’, plus doux ici que sur l’original, aurait pu garder la même force qu’avant sans que cela ne porte préjudice à la valeur iconographique. J’y reviens au point 5.
3. Autre erreur importante : la courbe de la bouche
Cette image (une des mes icônes écrite en 2004) montre d’abord l’erreur consistant à donner une courbe différente à la bouche et aux yeux (cf sens divergent des flèches bleues sur l’image 1). Ici, ce problème ne concerne pas que la bouche, dans le cas de l’Enfant, mais porte aussi sur la grosseur différente des deux yeux – celui de (notre) droite étant trop petit (forme et ampleur trop réduite de la poche sous l’œil). L’exemple permet aussi d’illustrer une des erreurs présentées plus haut, à savoir un sourire construit en accentuant indument la ligne foncée (séparant les deux lèvres) et la lumière blanche sous la lèvre inférieure (image 2, flèche blanche). Cette erreur se voit ici autant sur la Vierge que chez l’Enfant.
Ci-dessous, deux extraits de l’image d’origine (nos 1 et 2), suivis de deux essais successifs de réparation du visage de l’Enfant (nos 3 et 4). La différence entre 3 et 4 réside dans le coin droit (notre droite, côté de l’ombre) de la ligne brune séparant les deux lèvres, laquelle est plus courte en 4.
4. Quelques exemples de bon traitement iconographique de la bouche souriante
Les images de cette page proviennent de sites internet commerciaux faisant de la vente de reproduction d’icônes. Ce sont toutes des réalisations contemporaines. Elles sont correctes, techniquement parlant.
Suite de 4… L’exemple d’une élève de Périchorèse-In-Chora qui a bien compris…
Ce qui suit est un détail d’une icône d’une élève de l’Institut Périchorèse In-Chora, Fadia Hamati (2015). C’est une icône d’apprentie qui, dans cet exemple, a bien compris certains écueils majeurs à éviter dans le traitement de la bouche. Ainsi, illustrant les principes vus aux pages précédentes, les commissures des lèvres sont bien alignées sur le coin des yeux, le menton est dans la courbe correcte du visage (nez, bouche, menton) et la lumière sur le menton est placée du côté éclairé du visage (du côté de la ‘grosse joue’). La lumière sur la lèvre supérieure et celle sous la bouche sont correctes et bien qu’elle aurait pu être davantage estompée, la lumière sous la lèvre supérieure est correcte également ; les erreurs habituelles sont évitées et l’emplacement de cette lumière est ‘juste’ car il effleure la ligne foncée sans la toucher directement. Il est indiscutable que ce visage sourit, mais sans ostentation, dans une discrétion qui sied aux icônes. Le rouge à lèvres et à joues est bien là, clairement perceptible, conformément au message ‘incarnationniste’ de l’icône chrétienne. La ligne de la bouche est également correcte car elle suit la courbe des yeux, dont j’ai parlé plus haut. De même, la commissure du côté de l’ombre (notre droite) se termine bien, sans longueur exagérée et sans brusquerie. Très beau.
5. Mise au point sur le rouge sur les carnations – entre carence et exagération
Les iconographes et leurs icônes pèchent parfois par exagération dans la pose du rouge sur les carnations : soit trop, soit trop peu. Je mets ici l’emphase sur ce dernier cas.
Trop de rouge donne un ‘poids’ trop fort à la sensualité et à l’esthétique, ce qui n’est pas un mal en soi bien entendu, mais ne correspond pas au propos théologique de l’icône. Cela dit, l’icône parle d’abord et avant tout de l’Incarnation, se faisant témoin du mariage indissoluble entre la chair et l’esprit dans la personne du Christ-Jésus, Verbe-Image divin incarné. C’est pourquoi une lacune, voire une absence dans certains exemples, des rougeurs là où elles sont requises, en particulier sur les joues (peut-être parce qu’associées au ‘fard à joue’) et la bouche (rouge à lèvres), prive l’icône de son sens profond et même premier car c’est dans le mystère de l’Incarnation – littéralement ‘ce qui se fait dans la chair’ – que se fonde la légitimité théologique de l’icône, tant au niveau de sa fabrication que de sa vénération.
Sur les carnations, le rouge symbolise d’ailleurs moins cette matière, en tant que séparée et livrée à elle-même, que le don et le dépôt sacrés du Souffle (Esprit) divin sur Elle, à la Création d’abord, suivant les récits symboliques de la Genèse, puis dans le travail de sanctification tout au long de notre vie. Cette sanctification est elle-même une véritable synergie (syn – avec ; ergon – travail) entre l’humain et Dieu, une synergie, nous dit Christoph Schönborn dans son ouvrage L’icône du Christ, fondements théologiques élaborés entre le 1er et le 2e concile de Nicée, qui trouve sa perfection dans le mystère divino-humain, théantropique, du Jésus-Christ.
C’est ce processus, ce travail en commun dont l’initiative vient de Dieu, qui est symbolisé par la technique iconographique en général et le rouge des carnations en particulier.
* * *
Quand nous peignons les carnations (la peau, la chair), nous appliquons d’abord une couche de sankir (ex. image 1 ci-dessous), mélange de terres verte et jaune (ocre) additionnées déjà d’un peu de rouge. Puis nous construisons les formes avec un orange très vif, un rouge qui symbolise le feu de la terre d’où nous sommes issus, d’une part, en même temps que le Souffle divin qui nous donne part à la vie divine, d’autre part (image 2). Par la suite, nous couvrons ce rouge ardent d’ocre terne (image 3), symbole du feu sacré perdu (perte du chemin vers la ressemblance) de par notre complicité avec le péché originel. Commence alors la re-montée vers la Lumière en ajoutant progressivement du blanc à l’ocre jaune (image 4) jusqu’aux derniers rehauts appelés ogivkis en russe (non illustrés ici, mais on les a vus dans les pages précédentes), lesquels sont d’abord peints avec le blanc pur, symbole de l’Esprit pour signifier ici que c’est en Lui que s’accomplit la sainteté du sujet représenté.
Le processus ne s’arrête pas là et se complète par l’ajout d’autres rehauts, rouges cette fois, symbolisant aussi le Souffle divin en résonnance avec la première lumière orange. Les ogivkis rouges sont déposés directement sur les cinq sens pour en dire la dignité vraiment éternelle par référence à la Résurrection du Christ, gage de la nôtre, soit : 1) au coin des yeux pour la vue ; 2) sur la ligne du nez pour l’odorat ; 3) sur les oreilles pour l’ouïe ; 4) sur les joues et aux limites du sankir et des éclaircissements pour le toucher ; et 5) sur la bouche pour le goût.
C’est de cette manière, par un retour (l’apocatastase, au sens dynamique et non statique du concept) à ce rouge ardent que l’icône parle et témoigne d’une Matière sauvée et rendue à son achèvement, dans le Christ. Cette spiritualisation n’est pas une abolition de sa condition terrestre première, mais bien plutôt une ‘sursumation’, une élévation – littéralement, une résurrection, un passage à un autre ordre de l’être sans pourtant abolir celui dont il est issu et dont les prémices étaient déjà inscrites dès la Création.
Bien entendu, l’icône suggère, signifie et ‘représente’ comme elle peut, modestement et avec des moyens limités, matériels, des corps glorifiés et libérés du poids de la mortalité, du péché et de la chair au sens premier, biblique, du terme (finitude). Cela n’empêche toutefois pas que l’icône témoigne d’abord et avant tout de la grandeur et de la dignité de cette chair et de sa matière car, comme dit saint Jean Damascène, c’est par Elles que Dieu a réalisé notre Salut par l’Incarnation.
C’est un grand mystère que celui qui veut que ce soit par la faiblesse ultime (la chair périssable, faillible et mortelle si décriée par les platoniciens et leurs successeurs, une pensée qui nous marque d’ailleurs encore très profondément), que la grandeur illimitée (l’immortalité et l’immuabilité divines) se réalise et se soit manifestée. A l’image de la Vierge-Mère qui en est l’archétype, la limite est dépassée, mais non brisée. D’ailleurs, si la Mère de Dieu est si précieuse et vitale (incontournable) en iconographie chrétienne traditionnelle, c’est qu’elle incarne de manière unique et suréminente dans sa chair propre, participative, oblative et laissée intacte, le mystère d’un Illimité qui choisit de se limiter, volontairement et par amour, dans la/sa chair sans pourtant s’y résumer ou s’y absorber, d’une part, ni la forcer, la détruire et la dévorer, d’autre part. Pour sentir la vibration extraordinaire de ce mystère, relire (chanter) l’hymne de 2 Ph 2, 6-11 sur la kénose dont voici une traduction de Interbible.org :
Lui qui est de condition divine n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu. Mais il s’est dépouillé prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme; il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur la croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre a sous la terre, et que toute langue confesse que le Seigneur, c’est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père.
Ce principe d’une participation et d’une circulation (périchorèse) des propriétés humaines et divines, qui sont en union sans opposition ni confusion, vaut pour Dieu en regard de l’Homme et vice versa. Saint Cyrille d’Alexandrie (379-412) dit qu’il fallait que Dieu ait ce qui est à nous (l’Humanité) pour nous donner ce qui est à Lui (la Divinité). Ainsi, ce qui est à Lui par ‘nature’ est vraiment à Nous par grâce et participation, tout en préservant et respectant les Altérités fondamentales ainsi épousées dans l’union. C’est la Théosis.
* * *
Voici, résumé en mes mots, ce que je comprends de la théologie de l’icône, elle-même icône de toute la théologie chrétienne. Le corps mort puis ressuscité du Christ-Jésus, n’était et n’est pas une apparence, même hautement pédagogique, et encore moins une enveloppe laissée vide après l’Ascension, mais le sien propre – littéralement, pourrait-on dire : la Chair de son Esprit devenue la Chair de sa Chair. Saint Théodore Studite (759-826) dit que si nous ne nous représentons pas Christ-notre-Dieu à la droite du Père sous l’aspect d’un Homme, nous nions non seulement l’Incarnation du Verbe, mais toute l’économie du Salut.
Ce corps ressuscité est le sceau de la promesse de notre propre résurrection à venir et l’icône témoigne de cette foi en figurant toujours et obligatoirement des corps concrets, bien que spiritualisés (pneumatisés, cf. 1 Co 15, 44 ; de pneuma – souffle, esprit), et non des abstractions et de purs symboles, fidèle en cela aux prescriptions du septième Concile œcuménique de 787, celui de Nicée II sur les Images chrétiennes.
En résumé, si nous n’avions donc qu’une seule idée théologique à retenir avec l’icône, ce serait celle-ci, à savoir que la matière, l’humanité, la création, etc. ne sont pas abolies dans la glorification humaine (théosis) dans le Christ, mais amenées à leur perfection spirituelle, sans négation de notre substrat (condition, position, état, etc.) premier et que je résumerai ici par le mot ‘terre’. Dans les expressions remplies d’espérance chrétienne que sont « terre nouvelle » et « monde nouveau », il y a deux mots, inséparables, sans opposition ou abolition ni confusion ou mélange. Cette difficile tension est la condition de l’harmonie et ne doit pas être brisée. C’est pourquoi se retenir, voire s’interdire de poser du rouge, notamment sur les lèvres et les joues en raison de leur connotation habituelle sensuelle ou esthétique, constitue une erreur iconographique et théologique importante en regard du mode divino-humain qui sous-tend le sens de l’icône. Bien entendu, la sensibilité spirituelle de chaque iconographe, jumelée au talent qui la limite ou l’exalte, créera des variations d’une grande richesse ecclésiale, des nuances à l’infini, mais ce rouge doit être non seulement présent, mais perceptible aux sens corporels du priant et de la priante de l’icône.